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mercredi 3 mars 2010

Petites histoires entre "amis" (3) : l'apocalypse

Edward, le trader, sortit du métro sur-climatisé et arriva en ce matin du mois de Septembre 2008 face au grand building où il travaillait depuis maintenant 3 ans. Cependant l'enthousiasme et l'euphorie des premiers jours avaient peu à peu disparu depuis cette annonce de faillite probable l'année précédente. L'été indien qui régnait à l'extérieur ne suffisait pas à lui remonter le moral. Il se doutait que d'un jour à l'autre son poste pouvait être supprimé... l'angoisse de se retrouver sans emplois du jour au lendemain ne faisait qu'augmenter son angoisse. Comment allait-il payer son loft de 400m² en plein cœur de Manhattan? Ce qu'il ne savait pas à ce moment précis c'est que ce n'était pas uniquement son poste uniquement qui allait être supprimé....

Il arriva devant les grandes portes vitrées automatiques de son bâtiment. Mais quel était cet attroupement devant l'entrée? Etait-ce une manifestation? Y avait-il le feu? un problème? un ATTENTAT??? En effet tous ces collègues de travail étaient massés là, dans la rue, en costume et cravate essayant tant bien que mal de pénétrer dans l'édifice!! De cette foule il se dégageait, de façon contradictoire, un sentiment de désolation et de colère! Il demanda alors à l'un de ses collègue ce qu'il se passait ici... la réponse tomba tel un couperet : "La banque a fait faillite, tout est fini, on est TOUS virés". La stupeur, la honte, la peur, la colère, la désolation .... le vide : tous ces sentiments furent ressentis par Edward à ce moment précis. Une seconde fois le monde s'écroula à ses pieds. Il s'attendait à perdre son job "MAIS PAS DE CETTE FAÇON LA", hurla-t-il intérieurement. Il n'avait plus qu'une chose à faire : rentrer chez lui et se souler, lui qui ne boit qu'habituellement du soda sans sucre....

Dans ce grand loft new-yorkais, qu'il ne voyait au final pratiquement jamais ensoleillé - car il passait le plus clair de son temps au travail - lui apparut tout à coup comme un endroit qui lui semblait étranger. En cette 14 Septembre 2008, Edward décida de changer de vie. Lui qui n'avait que 32 ans, n'avait jamais connu le grand amour. Seules quelques aventures occasionnelles permettait d'assouvir "ses besoins naturels"... mais jamais rien de sérieux. Malgré le fait qu'il soit particulièrement athlétique, plutôt beau garçon et considéré comme le "gendre idéal" par beaucoup de personnes, jamais il n'avait songé à aller plus loin dans une relation que des histoires d'une ou deux nuits. Il avait tout donné pour son travail.... tout... sa volonté, sa santé parfois, son amour, sa vie... et son âme. Oui! Il avait donné son âme au diable! Le diable du profit, de l'argent, de la non-compassion. L'altruisme, il ne savait même plus ce que cela voulait dire, alors que ses parents lui avaient inculqué des valeurs nobles et louables comme l'amour, l'attention d'autrui, et l'envie d'aider et de soutenir les valeurs de son prochain. Tout cela il l'avait oublié peu à peu, un comme lorsque nos parents oublient qu'ils ont eu une jeunesse. Il avait subi un lavage de cerveau, non pas parce que sa société l'y avait obligé ou même fait de façon plus insidieuse. "Non, c'est le système qui m'a englouti comme tous les autres bouffons que nous sommes dans ce genre boulot"... "Le système", lui qui s'évertuait à ne jamais employer des termes génériques comme "la société, le système, les gens, on etc..."; ainsi il se surprit à utiliser ces mots qui le rebutaient d'habitude. Quelque chose semblait muter en lui, un sorte de parasite qui voulait s'exprimer, sortir de ce corps, ce parasite qui était emprisonné dans ce corps emplis de superficialité.... ce parasite c'était tout simplement LUI, sa vrai personalité si longtemps étouffée.

En buvant son énième Whisky "on the rocks" il se mit alors à penser aux transactions majeures auxquelles il avait pu assister depuis son embauche dans cette grande banque d'affaire. Le premier fait marquant fut "l'après explosion de la bulle internet" où les mastodontes du web avaient succédé à la myriade de starts-up (qui avaient été ne quelque sorte la préhistoire de l'internet que tout le monde connait à l'heure actuelle). Les profits avaient alors été considérables : vente, rachat, fusion, démentellement de sociétés etc. Puis ce fut le tour du début de la spéculation sur l'immobilier : la demande surpassant l'offre, les prix se mirent à grimper de façon vertigineuse, puis pour palier à tout cela on décida de construire à tout va, mais la demande était toujours supérieure à l'offre les prix grimpèrent.... grimpèrent... De façon concomitante le pris des loyers partirent également à la hausse, les heureux propriétaires d'appartements locatifs se frottèrent les mains.... Et les investisseurs comme Edward et l'établissement bancaire dans lequel il travaillait, se frottèrent plus que les mains. C'est la bave aux lèvres devant tant d'opportunités d'investissement qu'il investirent aussi bien dans la cause que dans la conséquence de cette spéculation immobilière : d'une part ils investissaient dans l'immobilier via des prêts accordés aux banques pour que les gens achètent, à prix fort, les habitations, et d'autre parts ils investissaient dans des fonds d'investissement (!) aux même spécialisés dans le BTP! En parallèle à tout cela, les grands pays industrialisés avaient laissé tomber, peu à peu, leur contrôle sur les matières premières au profit des pays émergents (ceux qui avaient cependant une économie industrielle volontariste comme la chine). Le prix des matières premières industrielles se mit alors à flamber : ce fut le cas des métaux (comme le cuivre ou le fer), du ciment, du bois! Voilà un autre endroit où l'on pouvait spéculer. Aussitôt dit, aussitôt fait, on acheta à tout va des matières premières, et de façon totalement artificielle, on fit alors monter les cours de ces dernières : encore de l'argent facile, sur des transactions virtuelles....

Les glaçons qui flottaient dans le verre d'Edward lui firent se rendre à l'évidence qu'au final tous les investissements qu'il venait d'invoquer n'étaient que la partie émergée de l'iceberg. En effet comme si son esprit avait occulté ces spéculations qui lui avaient semblé futiles, il se rémora toute les spéculations qui suivirent. Des spéculation qui lui apparurent alors comme démesurées, sans limites, sans régulations, sans éthique et au final dégueulasse... Oui, c'est un sentiment de dégout qui l'envahit à l'instant où il se rappela de la spéculation sur les produits alimentaires! Non contents d'avoir pénétré les marchés des matières premières industrielles, ils s'étaient rendus coupables de spéculer sur ce qui permet de vivre : la nourriture. C'est ainsi que le prix des céréales, du café, du blé, des fruits et même des légumes, (toutes ces denrées qui sont à la base de notre alimentation) se mit à grimper de façon incontrôlable, sans qu'aucune raison valable ne puisse être imputée à cette hausse. Il n'y avait pas eu de cataclysme sur les rizières par exemple pour faire monter le prix du riz! Non tout était artificiel, juste pour faire de l'argent! Le prix de tous les aliments atteint alors des valeurs jamais vues jusqu'alors. Même pour des foyers dits "aisés", les aliments devenaient parfois un luxe!

Tous ces financiers, traders et spéculateurs se prirent alors pour des Dieux vivants : ils contrôlaient le marché de l'habitat, de l'industrie, de l'alimentation... il ne manquait plus qu'à leur palamarès l'énergie. En effet, le fait d'augmenter la demande industrielle, les constructions etc... fit naturellement augmenter la demande en énergie. Comme en notre beau monde la majorité de l'énergie dépend essentiellement du pétrole, la demande en pétrole augmenta de façon fulgurante. Voilà, ils avaient jeté leur dévolu sur le pétrole. Celui-ci atteint des valeurs colossales pour aller jusqu'à 150$ le baril! Du jamais vu même lors des précédents chocs pétroliers ou leur des conflits dans les pays producteurs de pétrole! Tout cela était également artificiel, car même si la demande en pétrole était soutenue, elle ne permettait nullement de justifier une telle envolée des prix. Tout était encore virtuel, spéculation, poudre aux yeux.... Les cours fluctuaient aux grès d'annonces plus ou moins fumeuses qui faisaient s'emballer les bourses....

Malgré le fait qu'ils pensaient avoir investis dans à peu près tout, ils poussa une idée de génie à tous ces banquiers.... Ils avaient déjà eu cette idée quelques années auparavant mais n'avaient su comment l'exploiter. L'idée était simple le pétrole va se raréfier et son prix va inexorablement grimper. Par dessus le marché il pollue....alors dans un élan de générosité ils se dirent qu'il fallait remplacer le pétrole par d'autres carburants. Des scientifiques avaient alors mis en évidence que l'on pouvait fabriquer du combustible à partir de la biomasse (entendez par là les végétaux). On appelait ces nouveaux "pétroles" les agro-carburants ou bio-carburants. Ainsi les divers gouvernements de plusieurs pays, soucieux de montrer à la face du monde leurs efforts sur l'écologie et la préservation de l'environnement, avaient fait parvenir des aides à leurs agriculteurs pour cultiver, non pas des patates ou du blé.... mais du colza ou de la betterave pour produire des bio-carburants. Ainsi ces agriculteurs ( que l'on peut qualifier de "dindon de la farce", car leurs seuls soucis était de survivre bien que le prix des matières premières soit élevé) se prirent au jeux et produisirent de la betterave, non pas pour fabriquer du sucre mais ... du gazole! Quelle aberration pourtant tout était parti d'un bon sentiment! C'est ainsi que les banquiers investirent aussi ce nouveau secteur d'avenir... qui eut pour effet d'aller d'accentuer la hausse des prix de denrées alimentaires.....

Cependant il fallait gagner encore plus d'argent, toujours plus, rien ne pouvait étancher cette soif d'argent... Alors ces même traders et banquiers incitèrent des ménages aux revenus très modestes et surtout déjà très endettés, de pouvoir investir dans l'immobilier à leur tour... ce fut le début des subprimes......

Cela en était trop pour Edward, il alla vomir de dégoût (et du trop d'alcool qu'il avait ingurgité...)

Tous ces paramètres firent que notre chère famille Smith du Dakota du nord, déjà pris à la gorge par leurs divers crédits à la consommation, eurent leur budget encore amputé par la hausse du prix des carburants, des aliments et des biens de consommation courante... eux qui venaient tout juste d'accéder à la propriété après que leur demande de crédit ait été (enfin) acceptée....... La question que l'on peut alors se poser est que peut-être nos chers Smith, auraient pu tant bien que mal rembourser le crédit pour leur maison si le reste n'avait pas grévé leur budget..... Mais ce genre de paramètres, toutes les personnes impliquées dans l'investissement en bourse n'en ont rien à faire. L'important est de faire des profits, beaucoup de profits et VITE... peu importe de ce qu'il adviendra... même si l'a vache mange ses petits... même si le cercle vertueux devient vicieux, qu'importe, l'essentiel est d'avoir fait grossir la vache.....

To be continued......

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